HS: "hors-sujet", destiné à devenir une rubrique plus ou moins régulière, autodestructible, puisque mon blog est culinaire et que c'est sa seule et unique raison d'être. Cela ne m'empêche pas de m'intéresser à d'autres sujets très différents, de lire et de commenter des posts qui me touchent. J'admire des blogs comme celui de Massir pour son éclectisme, et encore plus des bloggeurs (ses) qui gèrent plusieurs blogs différents de front, comme mon amie Moghrama, mais je ne pourrai pas le faire.
Depuis quelque temps, à peu près 2 semaines, je n'ai rien publié. Quelques années plus tôt, j'avais le choix entre continuer mes recherches tous frais payés ou accepter un poste d'enseignante, j'ai choisi de faire ce métier. Je ne voulais venir écraser mes étudiants des tonnes de diplômes que j'aurais accumulés pendant 10 ans sans avoir jamais donné un cours, je voulais vivre tout simplement, faire ce métier que j'aime et que je vois mes proches, quelques membres de ma famille , faire depuis des générations, le reste viendra après.
La seule raison qui aujourd'hui me retient d'abandonner, ce sont mes étudiants, les voir évoluer, trébucher, se relever, avancer, prendre confiance en eux, réussir tôt ou tard. La seule, l'unique raison. A côté de cela, mille et une raisons d'abandonner:
- Je déteste les discours sur "la baisse du niveau", on nous sort la même rengaine à chaque fois, avec des sourires narquois qui relèvent les perles, des yeux écarquillés et un air outré. Le niveau n'est pas inné, qu'on se le dise une fois pour toute, il est acquis ...ou pas. Et c'est une donnée sociologique qui dépend de tellement de facteurs qu'on ne peut pas l'appliquer de façon homogène, banale et plate au public considéré. Les notes ne rendent absolument pas compte du "niveau" réel, pourtant, on n'a jamais réussi avec d'aussi bonnes notes. Allez donc expliquer à un gamin de 17 ans fort de ses notes gonflées qu'il doit tout reprendre à zéro ou presque...C'est à en devenir schizophrène!Que faire? Asséner la claque qui fera peut-être s'éveiller ces enfants inconscients de leurs lacunes héritées d'un système qui continue à marcher ( à écraser) comme si allait bien ou leur distribuer un bonbon et un diplôme juste pour la forme, puisque l'important est de participer...
- Mais pourquoi donc penser qu'on devrait s'apitoyer sur notre sort!! Un prof, c'est un paresseux qui travaille 2 jours par semaine, constamment en vacances, et en plus, il n'avance pas en thèse. C'est bien connu, on se défait de son travail, de sa préparation, de ses soucis, de ses réflexions comme d'une tenue lorsqu'on quitte notre lieu de travail. Une fois rentré chez soi, on ne prépare rien, on n'évalue pas, on ne corrige pas...Mais de quoi je me plains??? Je ne compte plus les heures que je fais en plus, juste pour rassurer mes élèves, ce qui faut bien appeler de l'excès de zèle quand je vois comme on se la coule douce ailleurs...
- Fière de ma décision de rester ici et de prendre mon poste, je suis allée voir un de mes profs qui m'a dit une phrase que je n'ai comprise que bien (trop) tard et qui résonne encore dans ma mémoire: "n'attendez aucune gratitude de votre institution, du système, il vous exploitera au maximum et vous jettera comme un vulgaire papier". Lorsque je vois la manière dont certains ont quitté leur travail après des années de bons et loyaux services, j'ai honte pour nous.
- Lorsqu'après cette torture, on parvient à faire progresser notre public, au pire, cela passera sous silence, au mieux, il y aura un "merci" dilué pour les supérieurs des supérieurs des supérieurs ou pour l"institution" qui a mérité cette félicitation et qui se forgera ainsi une belle réputation sur le dos des milliers de bêtes rampantes que nous sommes, nous qui nous crevons à la tâche. Nous, nous n'existons pas, les progrès comme le niveau sont des phénomènes paranormaux et inexpliquables. Le travail réel(fatigue, implication, effort) est inversement proportionnel à l'échelon, plus on monte en grade, moins on en fait, plus on est félicité, mécanique bien huilée.
- Lorsqu'il y a un problème, une protestation, une colère, une injustice, un incident, une erreur, c'est vers les bêtes rampantes qu'on se tournera. Tandis que nos intouchables se barricadent dans leurs bureaux confortables, à l'abri, les bêtes rampantes doivent recevoir la colère des élèves(qu'on adore) à la figure, subir leur crise bien légitime parfois, se faire agresser s'il le faut. Et alors? Il faut bien de la chair à canon.
Je pense avoir entammé la deuxième partie de ma vie professionnelle, celle où je prépare ma reconversion.