Avec le temps, et en passant de l'autre côté du miroir (d'étudiante à prof), je me dis que je suis devenue une élève vraiment pénible. Je pose trop de questions, j'hésite beaucoup, abandonne tout en cours de route, je n'ai absolument pas confiance en moi bref, une vraie calamité. Je plains mon moniteur d'auto-école, qui a dû mille fois arrêter la voiture, et dans le calme du désespoir sans doute, m'expliquer stylo en main pourquoi il faut mettre l'embrayage avant de tourner là pour freiner au maximum quand on tourne à vitesse très lente -dit comme ça, ça doit paraître faux, ou alors je n'ai toujours rien saisi mais j'ai quand même eu mon permis, du premier coup. Je ne me l'explique toujours pas. Mon zom non plus.A l'heure qu'il est, il dort au chaud dans un tiroir. Le permis:-)))Mais je m'égare...
Il m'arrive toutefois de vouloir contredire le destin et de vouloir être l'élève modèle , du moins sur le plan culinaire. Moi qui n'ai jamais rien pu apprendre in vivo, qui ai toujours parcouru livres et blogs pour cuisiner, je vais me rattraper. Et même si c'est pour faire des choses que je n'apprécie pas spécialement, voire que je ne consomme pas, ce serait bête de passer à côté de cet héritage. Pas de "mais", pas de discussion (je m'en souviens encore de ce que me disait le moniteur "pas de discussion quand tu passeras le permis hein????Ne me fiche pas la honte devant l'examinateur!!!"), je viendrai avec mes outils à la main, et ma langue bien rangée pour noter, prendre des photos et apprendre. Plus tard, reproduire, pas forcément réussir, mais en tout cas, essayer.Il paraît que les leçons avec les mamies sont in, ce n'est pas Loukoum de
Beau à la louche qui me contredira:-)) Premières leçons l'année dernière pour moi avec tata N.
autour des
pâtisseries tunisiennes. Le plus dur restait à faire: leçons de ma grand-mère, impressionisme en liberté (une mesure et son contraire cinq minutes après mais pas discussion on a dit!!!!!), et plat phare aux dires de ceux qui l'ont dégusté. Je ne l'ai pas fait, je pique comme je le faisais déjà enfant les marrons tendres, sucrés mais pas écoeurants, mais j'ai préparé à quatre mains pour mon beauf que j'adore ce plat, parce qu'il ne mange ni poulet ni poisson. Il en a été tout content, c'est l'essentiel! C'était pendant un dîner ramadanesque, l'heure est venue de poster la recette, elle se fait habituellement dans les jours qui suivent l'aid el kebir.
On l'appelle parfois kastlia, il y a aussi la méchmachia (elle figure au menu de
Mamie Lilly et mes amies s'en étaient régalé) à base d'abricot sec. J'apprend aussi qu'il y a une "mrouzia" de Fes, mais un peu différente. De la "mrouzia" je ne connais que celle de mimi, simple, pas trop chargée en saveurs, à peine sucrée, viande bien tendre et fans transis qui commandent leur part à l'avance. Il semble, mais elle ne l'avouera jamais ou ne s'en souvient pas (ce qui revient au même), que les origines du plat aient quelque chose à voir avec le Cap-Bon d'où mon grand-mère maternel est originaire. Je garde l'appellation qu'elle utilise elle, ni "kastlia" ni "marqua hloua", c'est sa "mrouzia" et puis c'est tout!!!!
500 g de viande d'agneau (de beaux morceaux dans le gigot), 200 g de marrons trempés la veille avec un relooking à leur faire aussi (lire plus loin), 200 de pois-chiches trempés la veille, 200 g amandes blanches (sans peau), 200 g de raisins secs (pas trempés), 1 cc bombée de curcuma en poudre ( ou de safran), 1 peu de poivre, 1 peu de sel.
Relookage des marrons: on les trempe la veille de la cuisson dans de l'eau froide, après on les rince et on s'amuse à décoller toutes TOUTES les petites peaux qui seraient restées entre les plis après trempage, et plus vite que ça!!!
- Mélanger viande, épices, pois chiches, 2 verres d'eau (25 cl environ) et mettre sur feu moyen dans une cocotte minute mi-ouverte durant un quart d'heure pour que les épices imprègnent la viande.
- Ajouter alors 1 litre d'eau, fermer la cocotte pour une cuisson de 20 minutes environ. Ouvrir, vérifier la cuisson des pois-chiches (les pincer), ajouter alors 500 ml d'huile neutre (pas d'olive) et refermer pour encore 20 mn.
- Ouvrir la cocotte, a jouter les marrons trempés et relookés, les amandes, lavées, cuire 15 mn, cocotte fermée, ajouter un verre d'eau à continuer une dizaine de minutes la cuisson, cocotte mi-ouverte, les marrons doivent s'attendrir. On ajoute alors 25 cl d'eau de fleur d'oranger et 1 verre rempli (soit environ 20 cl) de sucre en poudre. Continuer une quinzaine de minutes (cocotte mi-ouverte), l'eau doit presque s'évaporer. Terminer par l'ajout des raisins secs, et éteindre.
On pourrait par ce luxe de détail être perdu, moi la première. J'ai bien essayé de prendre des mesures exactes mais c'est bien difficile avec une grand-mère et puis les mesures changent selon l'aspect, la quantité etc. Elle cuit cela dans une cocotte minute mais de toute petite taille, ce qui permet à la fois de cuire vite et bien mais donne un risque de rater la recette (pour le commun des mortels, comme vous et moi). En fait, la cuisson aura duré une heure et demi environ, et comme je l'ai observée, elle se fie à l'aspect dans l'ordre : des pois-chiches (pas tout durs), de la viande (doit pouvoir se pincer avant de mettre le reste des fruits secs), des marrons (tendres) et de la sauce (pas d'eau sinon ça se gâte vite alors que c'est un plat qui se garde). Je compte en refaire bientôt, histoire de me ridiculiser, et en donner à ma belle-soeur qui adore ce plat mais n'avait pu en goûter ce ramadan, et qui regrette de devoir être mon premier cobaye:-))) après avoir goûté il y a longtemps la vraie mrouzia de ma grand-mère...
J'oubliais l'essentiel, un jour je fêterai peut-être l'aid el kebir de A à Z, qui eût dit que je ferai une mrouzia un jour, et que j'en posterai la recette??? Pour le moment, et pour longtemps je l'espère, j'en fais profiter une personne qui n'en a pas du tout les moyens, c'est tout comme et c'est même le plus important je pense...Mais que cela ne m'empêche pas de vous le souhaiter et de souhaiter à tous les musulmans un aid moubarak! Une saluation spéciale à toutes mes amies bloggeuses, de Tunisie et d'ailleurs et une pensée à Wiss qui aurait sans doute apprécié ce plat:-)