mardi 10 avril 2012

Le 9 avril 2012" faite des martyrs" en Tunisie

            Sauf à penser que nos dirigeants actuels vivent dans une Tunisie imaginaire, je ne trouve pas  d'autre explication à ce qui s'est passé hier, jour de la fête des martyrs. Cela devait être une marche pacifique, cela s'est transformé en une chasse à l'homme.
          Après un mois émaillé de belles manifestations, celle du 8 mars pour les acquis de la femme, celle du 20 mars, fête de l'indépendance que nos amnésiques d'islamistes ont souhaité ignoré mais que les Tunisiens ont dignement fêté, le 25 mars, deux manifestations opposées sont autorisées sur l'avenue. Les Salafistes qui réclament la charia pour la nouvelle constitution et les artistes qui ont demandé-depuis des mois- à fêter la journée internationale du théâtre. Evidemment, les premiers n'ont rien trouvé de mieux que d'agresser les artistes mollement "protégés" par la police et d'escalader l'horloge pour y planter le drapeau noir. Personne, comme d'habitude, parmi les assoiffés de violence appelant au meurtre des juifs, n'a été inquiété. Bien entendu, la meilleure décision fut prise dans le meilleur des mondes, l'avenue ne verra plus aucune manifestation.
         Naivement, sans doute, toute seule, j'ai essayé, sans succès, d'accéder à pieds par les rues attenantes à l'avenue Mohammed V par où devait partir la manifestation. Il était 11H10, et presque arrivée, je vois des gens courir dans un mouvement de panique dans la rue   Jean-Jaurès, la rue de Marseille, et l'avenue de Paris: les flics avaient lancé une salve de bombes lacrymogènes en direction des manifestants qui tentaient d'accéder à l'avenue. Je trouve à peine le temps de me réfugier dans une cage d'escalier avec deux jeunes, une maman et son enfant paniqué, et un photographe avant de comprendre la gravité de la situation. Les force de l'ordre ont donc décidé de passer à tabac tous ceux qui s'approchaient de l'avenue, jeunes, vieux, citoyens, journalistes, homme politique, tunisien ou étranger. Des vidéos circulent sur ceux qui ont fait le sale boulot en provoquant ou tabassant les manifestants, sans uniforme. Civils? Membres d'une milice? En fin de journée, nos dirigeants fêtent de l'autre côté de la ville le 9 avril, avec des discours creux dignes des plus hautes envolées de ZABA, avec des "applaudisseurs" ramenés par bus entiers.
       Il ne fait aucun doute qu'ils sont dans une Tunisie imaginaire, pas celle où les manifestants auront reçu la plus belle démonstration de violence sauvage en plein centre-ville depuis la révolution au moment où ils s'auto-congratulent dans un coin.  Je crois que nous vivons un énorme malentendu.
        Ils prétendent appliquer la loi. Ils en épargnent tous ceux parmi les salafistes qui attaquent les enseignants, profanent le drapeau national, ou agressent les artistes.
       Ils prétendent vouloir reconstruire l'économie du pays. Ils quémandent auprès des pays du Golfe qui protègent précisément les voleurs de la nation en toute impunité.
      Ils prétendent vouloir raviver le tourisme qui est le pilier économique de la Tunisie. Ils offrent un spectacle de désolation au monde.
      Ils prétendent vouloir l'union nationale. Ils s'évertuent à diviser les Tunisiens sur des sujets secondaires pour ce qui est de nos priorités, charia, laicité etc.  et crient au complot gauchiste, maçonnique a moindre reproche.
      Ils prétendent vouloir nettoyer le paysage politique des anciens RCDistes. Ils en ont récupéré tous ceux qui sont prêts à collaborer pour les porter au firmament, les intérêts de tous sont protégés.
      Ils prétendent vouloir nettoyer le paysage médiatique qui a encensé ZABA pendant des décennies. Ils souhaitent une information taillée à leur mesure.
     Ils prétendent respecter les acquis et la volonté du peuple. Ils s'évertuent à gangrener le tissu de la société pour pousser à des revendications rétrogrades par le travail associatif, les prêches dans les mosquées etc.
     Ils prétendent protéger les opprimés et les démunis. Ils comptent distribuer des milliards de dédommagements pour les détenus islamistes sous ZABA et matraquent les  blessés de la révolution qui ne demandent que leur dignité face au ministère des droits de l'homme;
    La liste est longue. En quelques mois, ils auront fait mieux que ZABA mais ils oublient sans doute, tout comme lui, que cette ivresse du pouvoir n'est qu'un château de carte qui peut vite s'effondrer, un mirage. Le peuple est las des mensonges et des promesses, et sa colère sera aussi grande que le rêve qu'ils ont promis à leurs électeurs.
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